Le Carnet du collectionneur Le Carnet du collectionneur

Toute la mémoire des cinémas

Programmes, toutes-boîtes, tickets, affiches, publicités...
A la manière d'un archiviste, il collectionne les documents et objets racontant les cinémas d'autrefois, en Wallonie et dans les régions voisines.
De précieux témoignages qui réveillent la nostalgie.

En ce début août 1955, c’était la braderie à Philippeville et le cinéma local, le Ciné-Théâtre avait programmé Le Tzarewitch, en Eastmancolor, « un film qui se classe parmi les chefs-d’œuvres du cinéma », avec « une musique ennivrante ». Luis Mariano y tenait le premier rôle et faisait battre le cœur de Sonja Ziemann. Le « sponsor » principal du programme présentant ce film était un garage local, agence officielle Ford, qui vantait les mérites de sa gamme de voitures 1955, V8, Anglia, Taunus 12M, Consul, Zéphir ou encore Vedette.

Le cinéma Sporting, d’Yvoir, avait comme de coutume réservé un encart dans le toute-boite dinantais Le Mosan, daté du 12 novembre 1949, qui annonçait pour le lendemain (un dimanche), à 5 h et à 8 h, le film Les amours de Salomé, « un Technicolor inoubliable », avec en vedette Yvonne de Carlo, présentée tout simplement comme... « la plus belle femme du monde ».

 

Au Amay-Palace, les 4 et 5 février 1950, c’était La Femme de l’autre, qui tenait l’affiche, sous le slogan « Un drame pantelant d’humanité vraie ».

En octobre 1958, et « pour 7 jours seulement », le cinéma Excelsior, situé sur la place de l’Eglise à Visé, programmait Le Pont de la rivière Kwai, « le film miracle qui a tenu 35 semaines à Liège ». Pour l’occasion le prix des places a légèrement augmenté : 20 et 25 francs belges, plus la réservation. Il est aussi précisé que « vu son importance, le film commence avant l’entracte ».

 

Robert Mawet manipule avec précaution et dévotion ces grands classeurs où ses trésors de papier s’alignent et s’empilent sagement dans des protections en plastique. Programmes, toute-boîtes publicitaires, tickets, affichettes, publicités, calendriers et autres documents et objets qui retracent l’histoire du cinéma, ou plus exactement l’histoire des salles de cinéma en Wallonie, mais aussi à Bruxelles, en Flandre et encore dans les régions frontalières, côté français.

 

Le chef d’orchestre

Notre homme est un véritable passionné qui a en quelque sorte réalisé son rêve en devenant il y a presque 20 ans le « chef d’orchestre », et donc aussi souvent l’homme à tout faire, bénévole bien sûr, du cinéma Les Variétés, à Waremme. L’endroit, sorte de miraculé de la belle époque des cinémas de village ou de quartier, fête ses 100 ans d’existence cette année et affiche une belle santé, résistant encore et toujours à la concurrence du petit écran et des complexes plus importants installés en région liégeoise. Une petite anecdote amusante : le cinéma a toujours le même numéro de téléphone depuis sa création. Enfin presque, parce que le « 955 » des années 1920 s’est allongé au fil des ans et est maintenant devenu le (019) 322 955.

 

Robert Mawet se souvient encore très bien de sa première expédition dans un cinéma. C’était à Hannut, au Palace Nova Casino. Il avait alors 6 ou 7 ans et avait fait la route à vélo, avec sa cousine, pour assister à la projection de Tintin et les oranges bleues. A la sortie, il raconte avoir été émerveillé par l’ambiance des lieux, la magie de la projection, et cette communion du public face au grand écran sur lequel, une fois la séance terminée, se refermait un grand rideau de scène. Plus tard, lors de son service militaire effectué à Arlon, il passera tous ses moments de loisir à écumer les salles du chef-lieu de la province luxembourgeoise, Le Plaza, l’Alpha, mais aussi de la région. « C’est au cinéma Prado de Messancy que j’ai vu La Fièvre du samedi soir », se souvient-il, sourire aux lèvres.

 

C’est en 1981 que se produit le déclic : au hasard d’une matinée de fouine sur une brocante, notre Hannutois d’origine découvre des anciens programmes édités par le cinéma Palace de Stockay et le Vigilanti de Verlaine. Pas question pour le chineur de laisser ces archives prendre la pluie ou terminer aux vieux papiers. La transaction est vite conclue et marque le début d’une collection qui va prendre une grande ampleur au fil des années. Elle se complète encore maintenant au jour le jour, au grès des découvertes sur les brocantes, les foires spécialisées, les trouvailles sur internet, ou encore grâce aux nombreux contacts que notre sympathique collectionneur a tissé depuis plus de 25 ans.

 

Namur: l’Eldorado a fermé ses portes

Cette fois, c’est fini. Le cinéma Eldorado, véritable institution namuroise, a définitivement fermé ses portes l’an dernier. Baptisé tout d’abord Renaissance, puis Métropole et enfin Eldorado, le cinéma de la rue de Fer avait ouvert ses portes en 1919 et est resté jusqu’au bout une belle histoire de famille, celle des Vanschel. D’Emile, le fondateur du premier cinéma fixe namurois (c’était en 1905, à l’enseigne Le Géant) à son arrière-petite-nièce Isabelle, la dernière gérante, en passant par Maurice, le père de cette dernière, qui a mené le bateau pendant des décennies. Maurice se rappelle de l’arrivée de la télévision, dans les années 1960, qui a provoqué la fermeture de beaucoup de cinémas. Il explique que la décision d’investir dans un complexe multisalles était la seule solution, dans les années 1970, pour espérer garder le cap. Il se souvient de films qui ont fait des recettes importantes et donc bienvenues : les Walt Disney bien sûr, mais aussi cette Grande Vadrouille, avec le duo mythique De Funès-Bourvil, qui avait « cartonné » au printemps 1968.

 

Les projecteurs se sont éteints, pour de bon. L’Eldorado, qui rythmait la vie namuroise depuis presque 100 ans, est passé tristement de l’actualité à l’histoire.