Les petits personnages d'un grand artisan
Dans son repaire flawinnois, baptisé le Caboch'art, il perpétue un artisanat qui raconte notre histoire et notre folklore.
Bruxellois d’origine et Namurois d’adoption, Eric Lesellier explique être tombé dedans quand il était petit. Comprenez qu’il a pris la relève de son père en optant tout naturellement pour le métier d’artisan figuriniste. Un art(isanat) qu’il est maintenant l’un des derniers, si pas le seul, a encore exercer en Belgique. « Il a des gens qui coulent encore de l’étain, mais pas pour faire des figurines précise-t-il. Et puis, moi, c’est ma profession mon gagne-pain. »
C’est en 2006 que notre homme a décidé de ne plus travailler le plomb, trop nocif et d’une moins grande finesse que l’étain. C'est à cette époque qu’il a aussi fait l’acquisition d’une centrifugeuse qui lui permet de couler plusieurs pièces en même temps, ce qui représente déjà un fameux gain de temps par rapport aux moules individuels. « J’ai un moule avec un régiment complet ou encore un autre avec une pièce d’artillerie napoléonienne, soit le canon et tous les accessoires, les roues, les pièces détachées et les personnages avec les sacs à dos. Avec mon ancien système, il aurait fallu quatre à cinq opérations au moins. »
Quand on travaille avec de l’étain pur (95 % d’étain et 5 % d’antimoine et de bismuth) cela s’appelle de l’étain alimentaire avec lequel on peut fabriquer des chopes ou des couverts par exemple. Il s’achète en lingot. « Mais moi, comme je travaille avec de l’étain de récupération, je ne peux pas garantir la pureté. Mais cela ne pose pas de problème car je ne m'en sers pas pour de l’alimentaire, je suis spécialisé dans les figurines. »
Fabriquer un moule
Pour fabriquer un moule, on part d’un modèle de base, le plus souvent un petit personnage qui est quasi nu et est découpé en morceaux. Il est alors mis en position : il est soit en mouvement ou statique, il peut être en train de se battre…
La pièce en étain est soudée en fonction de la forme et du mouvement à obtenir. Après elle est habillée complètement avec une feuille de plomb ou carrément avec de la soudure à l’étain. On obtient ainsi une pièce unique.
Elle est ensuite inclue, enfoncée plus précisément, dans le moulage, une matière faite de silicone qui est molle à la base comme du chewing-gum, et dont la taille permet d’accueillir plusieurs moules à la fois.
Puis direction la vulcanisatrice qui va chauffer et presser le moulage pendant une petite heure à plus ou moins 150 degrés et 110 kilos de pression au cm2. Le silicone va se liquéfier et épouser toutes les formes dans le moindre détail, au millième de millimètre près.
L’avantage de ce moulage à base de silicone c’est qu’il est beaucoup plus résistant une fois qu’il est cuit. Précédemment tout s’effectuait à froid. « Lorsque le moulage a refroidi, j’enlève les sujets que j’ai créé à la main et je les conserve dans une petite boite au cas où je devrais refaire le moule. Après, je creuse les cheminées de coulées. Et aussi quelques évents qui font partir l’air au moment où le métal va être projeté dans le moule. Une fois que le moule est opérationnel, il peut passer à la centrifugeuse ». Et c’est donc la fameuse centrifugeuse qui permet de couler l’étain liquide dans plusieurs moules à la fois, qui font cause commune dans le moulage en silicone. Au-delà du gain de temps, la centrifugeuse garanti aussi une finition dans les détails car l’étain liquide est littéralement projeté dans le moule.
« La durée de vie d’un moule est très variable d’un sujet à l’autre. Pour les sujets simples, on peut couler plus de 1.000 pièces avec le même moule. Mais si les détails sont beaucoup plus précis et les personnages plus tortueux, comme les échasseurs de Namur par exemple, je vais couler une cinquantaine de pièces, pas plus » .
En moyenne, une fois que le moule est opérationnel, il faut compter cinq heures de travail, du coulage à la mise en peinture de la pièce.
Napoléon, le number one
On s’en doute, les pièces militaires sont toujours très demandées. Ces « petits soldats » qui évoquent toutes les époques de notre histoire. Avec toujours le même « number one » en tête des demandes : l’indétrônable Napoléon et plus largement le Premier Empire.
Mais les sujets « civils » se vendent aussi très bien, particulièrement les figurines folkloriques. « Ma principale cliente est une personne qui tient un magasin spécialisé dans le folklore régional à Mons. Cela s’appelle Mons Où Venir. J’ai beaucoup de demande pour le singe porte-bonheur et bien sûr pour le Doudou. L’avantage, ici, c’est qu’il se compose de différentes pièces et les clients peuvent compléter la série par la suite ».
Le Namurois d’adoption s’intéresse aussi bien sûr au folklore de la capitale wallonne. Voici des échasseurs en train de lutter. Voilà un Molon en grande tenue. « Philippe et Mathilde en ont reçu un lors de leur joyeuse entrée à Namur ».
Pièces uniques ou séries, Eric Lesellier travaille sur demande. Le plus souvent il respecte l’échelle standard de 1/35. Mais il réalise aussi parfois des statuettes au 1/25. 99 % de sa clientèle lui achète des figurines qu’il a réalisées entièrement, jusqu’à la peinture finale. « Je ne fais pas de kits de montage. Il y a des grosses productions anglaises ou allemandes qui font cela à grande échelle. Moi, j’ai mon créneau et je suis fier de mon métier d’artisan ».