Retour aux sources du numérique
Le musée namurois de l'informatique nous replonge dans l'histoire du traitement de l'information. Retour dans un passé proche.
C’est l’histoire de quatre collections en quête d’un avenir durable. Elles ont comme point commun de conserver les traces de la naissance de la nouvelle culture liée au numérique, et ainsi de témoigner du vaste monde de l’histoire de l’informatique dans notre pays. Elles ont fait l’objet d’une donation au Fonds « Informatique Pionnière en Belgique » de la Fondation Roi Baudouin, qui a décidé de les rassembler dans un musée. Le choix de l’implantation s’est fixé sur la capitale de la Wallonie, et plus exactement sur le hall omnisports de l’ancien institut Saint-Aubain, voisin du grand complexe occupé par le campus provincial, rue Henri Blès à Namur. La Fondation a fait l’acquisition de ce bâtiment qu’il a fallu réhabiliter et reconditionner, mais aussi aménager en tenant compte de toutes les contraintes d’un musée, notamment au niveau des espaces de stockage des réserves.
Le choix, ici, fut de combiner les aspects pratiques, architectural et muséographique en jonglant avec un total de 21 containers maritimes qui délimitent et accueillent les différentes sections du musée, et jouent aussi la superposition au niveau de l’espace de stockage. L’endroit est géré depuis son ouverture au public en octobre 2016 par l’asbl NAM-IP, créée pour l’occasion.
Petit coup d’œil sur les quatre collections :
- Celle de Jacques Laffut, qui a rassemblé pendant plus de 25 ans des matériels déclassés et des pièces rares de l’histoire de l’informatique dans la tradition Burroughs-Unisys.
- Celle constituée par d’anciens techniciens et ingénieurs de la société française d’informatique Bull, qui avaient créé une Fédération des équipes Bull de Belgique (FEBB). Ils ont sauvegardé tout ce qu’ils pouvaient rassembler dans cette tradition d’informatique européenne Bull.
- Celle de Jacques Lemaire qui fait donation, un an avant son décès, de ses instruments de calcul.
- Celle constituée autour d’une application pionnière de l’informatique aux textes (notamment la Bible et des documents d’archives), par l’équipe d’Informatique & Bible de Maredsous, qui a conservé un très grand nombre de traces des travaux commencés en 1968-1969.
Ajoutons à cela une cinquième collection arrivée à Namur peu après l’ouverture du musée namurois, celle rassemblant le patrimoine historique de l’informatique, sauvegardé par la Maison de la métallurgie et de l’Industrie de Liège. Avec pour pièce maîtresse la machine à statistiques inventée par l’Américain Herman Hollerith en 1884.
Au cours de la visite, on pourra ainsi découvrir un atelier complet de machines à cartes perforées des années 1960 en état de fonctionnement; un exemplaire du premier Bancontact installé en Belgique; plus de 100 machines à calculer et à écrire qui montrent la progression de ces machines jusqu’à l’avènement des ordinateurs; un exemplaire de la Moon-Hopkins identique à celle du chanoine Lemaître pour réaliser les calculs qui aboutirent à la théorie du Big-Bang à l’origine de l’univers; les machines IBM du parc mécanographique de la CGER/ASLK (Bruxelles) qui ont géré les pensions de tous les Belges durant 50 ans (1945-1995); ou encore les premières impressions de l’hébreu ancien sur des imprimantes laser IBM-3800.
Une ligne du temps et des panneaux thématiques sont disposés tout le long des murs du musée et permettent de retracer un parcours complet de l’histoire de l’informatique. Quelques vidéos prolongent le contact et donnent vie aux objets présentés. Des animations s’efforcent aussi de faire comprendre la numération et le calcul binaires, ou d’autres notions de base de l’informatique. D’autres suggèrent la créativité du visiteur : créer une œuvre d’art avec des composants électroniques, donner son avis sur le futur de la nouvelle culture basée sur l’écriture électronique, etc.
Mécanographie
Le musée présente les différentes composantes d’un atelier de mécanographie de la société Bull, soit un ensemble de techniques qui avait pour but la réalisation de travaux de comptabilité, de gestion, de statistiques, en utilisant, comme support d’entrée des données, des cartes perforées, ou plus accessoirement des bandes perforées, voire directement des saisies sur clavier électromécanique. La mécanographie s’est développée de la fin du 19e siècle jusqu’au milieu des années 1960, avant de céder progressivement la place aux nouvelles techniques informatiques. Cet atelier se compose de différentes machines, poinçonneuses, traductrice de cartes perforées, trieuses, interclasseuse, tabulatrice…
Les statistiques selon Hollerith
C’est assurément la pièce maîtresse du musée namurois. Cette machine à statistiques inventée par l’Américain Herman Hollerith en 1884 est l’un des quatre exemplaires originaux encore existants. L’objectif était d’accélérer ces opérations de recensement de la population de 1889 qui permettaient notamment d’actualiser le nombre d’élus par ville. La machine d’Hollerith utilise des cartes perforées où les informations voulues sont introduites via un code. La machine lit les cartes perforées une à une, augmente d’une unité les compteurs correspondants aux trous de chaque carte et ouvre aussi le clapet d’un casier permettant à l’opératrice de trier les cartes en les rangeant au bon endroit. Cette machine est à la base de ce qu’on appellera plus tard la tabulatrice, qui est la pièce maîtresse de l’atelier de mécanographie.
Cette machine est classée trésor du patrimoine mobilier de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Les moines de Maredsous, ces pionniers.
Au début des années 1970, deux jeunes moines de l’abbaye de Maredsous vont se former chez IBM-Belgium pour devenir analystes et programmeurs, à une époque où l’informatique ne s’enseignait pas encore dans les universités et hautes écoles. Cette formation leur ouvrira la porte du plus gros parc informatique de l’époque, celui de la CGER-ASKL à Bruxelles, où il peuvent aller travailler… la nuit, lorsque le travail des opérateurs (et des machines) sur les grands comptes est interrompu jusqu’au lendemain matin.
Dans ce cadre, l’abbaye de la vallée de la Molignée fut pionnière pour diffuser à nouveau plus largement la Bible auprès des fidèles catholiques qui s’en étaient éloignés depuis l’insistance donnée par les mouvements de réforme du 16e siècle. Maredsous fut encore pionnière en étendant cette diffusion par des publications diverses centrées sur la compréhension de la Bible, mais aussi la confection de bases de données informatisées sur support magnétique, puis leur mise en ligne. Ces travaux seront à la base de la naissance du Centre Informatique et Bible (I&B) dont les applications se poursuivront à Maredsous jusqu’en 2014.
En 1979, le premier ordinateur implanté à l’abbaye était un IBM-Series-1. Sa mise en place et son démarrage furent supervisés par le fr. Jacob de l’abbaye de Saint-Meinrad (Indiana), programmeur dans son monastère américain.